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Cas clinique :

Un désir de sevrage qui révèle un problème d’oralité

 

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Mme C. me contacte pour l’accompagner dans le sevrage de son deuxième enfant de 3 mois, Clémence. Cette maman a déjà essayé de proposer des biberons de lait artificiel à sa fille, mais celle-ci ne les veut pas. Elle voudrait alors échanger sur les solutions possibles. Le désir de sevrage de Mme C. va mettre en évidence un problème de succion de son bébé qui va l’éloigner, momentanément, du sevrage désiré.           

En consultation, Mme. C me raconte qu’elle ne supporte plus le rythme imposé par son allaitement. En effet, son bébé tète tout le temps, jour et nuit, parfois toutes les heures, et cette maman se sent épuisée. Elle aimerait donner un biberon de lait artificiel à la place du sein. De plus, les commentaires désobligeants et peu constructifs de son entourage l’agacent le pédiatre lui dit qu’il faut compléter son bébé parce que ce dernier à une faible prise de poids, sa famille lui dit que Clémence pleure parce qu’elle a faim, même si cette dernière est accrochée au sein jour et nuit.                 

Clémence est née à 3,095 kilos. A 3 mois elle pèse 4,860 kilos, un poids bien en dessous de ce qu’on attend pour un bébé exclusivement allaité. J’observe que le bébé a une hyper salivation et la mère me dit qu’elle pense que son bébé est en train de faire ses dents. Je regarde la bouche de Clémence et remarque un frein de langue postérieur charnu. Je m’aperçois que Clémence n’arrive à bouger que la pointe de sa langue alors que le reste de celle-ci est immobile. J’observe une tétée et je vois que la prise de sein est peu profonde. La mère n’a pas mal et j’entends le bébé déglutir mais cela ne dure pas. Je vois avec la mère pour les alternatives au biberon car ce bébé a besoin d’être complété mais n’accepte pas les biberons. Je lui montre le DAL1, que nous testons aussi bien au sein qu’au doigt, et Clémence le rejette également. Les parents finissent par compléter Clémence - avec grande difficulté - à la seringue.

Face à ces difficultés, je propose à la mère d’attendre de sevrer Clémence du sein, puisque c’est pour l’instant sa seule source d’alimentation et je lui suggère plusieurs pistes :

• consulter un ORL spécialisé dans les freins de langue restrictifs pour envisager la section du frein et aider la langue à retrouver plus de fonctionnalité,
• rencontrer un ostéopathe qui a l’habitude des nouveau-nés pour vérifier que le nerf grand hypoglosse n’est pas comprimé et n’empêche pas les mouvements corrects de la langue. En plus du frein de langue restrictif, cette piste pourrait expliquer l’hyper salivation et les difficultés de Clémence pour gérer sa succion,
• compléter Clémence,
• faire des séances de tire-lait après les tétées afin de stimuler la production de lait, puisque ce n’est qu’au sein que Clémence arrive à se nourrir calmement même si elle n’est pas très efficace.

La mère est très motivée pour arriver à faire évoluer la situation et accepte mes suggestions. Au fil des semaines suivantes, les parents explorent également différentes autres pistes :


• Un ORL spécialisé intervient sur le frein de langue de Clémence et la mère sent immédiatement un changement dans la prise de sein mais cette sensation ne dure pas.
• Sur la recommandation du pédiatre, la mère consulte un gastro-pédiatre qui diagnostique un trouble de l’oralité. Celui-ci propose plusieurs choses dont des exercices oraux pour l’aider à mieux utiliser sa langue mais ses suggestions n’améliorent pas la situation.
• Elle consulte un troisième ostéopathe qui confirme mon observation que le nerf crânien, le grand hypoglosse, est très probablement comprimé. Cet ostéopathe arrive enfin à améliorer un peu la situation de Clémence qui commence désormais à faire des mouvements latéraux avec sa langue.
• Après avoir fait des recherches sur internet, le père de Clémence se demande si Clémence n'a pas le syndrome de KISS2. Les parents consultent un centre spécialisé dans ce syndrome qui confirme ce diagnostic et Clémence est prise en charge rapidement. 


Clémence a présenté un ensemble de symptômes qui ont participé aux perturbations fonctionnelles. Elle a pu profiter d’une prise en charge multidisciplinaire pour y remédier ainsi que de parents tenaces et courageux. Une fois le cadran cervical débloqué (ce qui comprimait le nerf crânien), l'allaitement se met enfin à marcher : plus besoin de tire-lait pour stimuler la production de lait. Tout commence à rentrer dans l’ordre pour ce bébé et sa mère. Par la suite, à 7 mois, Mme. C a pu sevrer tout en douceur sa fille et, actuellement, Clémence est diversifiée et boit du lait au verre ou à la paille et commence doucement à accepter les biberons. 

Avec mes remerciements chaleureux à la mère de Clémence pour sa collaboration.
Crédit photo : Mme. C.
© 2020 Margaret Dickason-Clar, Consultante en lactation IBCLC 

Références 

1 DAL = Dispositif d’aide à la lactation

2 KISS : Kopfgelenk-Induzierte Symmetrie-Störung. Ce syndrôme désigne les perturbations de symétrie induites par les articulations de la jonction crânio-cervicale. Il était autrefois connu sous le nom de « blocage de l’atlas » et a été décrit pour la première fois en 1953 par le Dr. Gottfried Gutmann.