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Les pères et l'allaitement 

pères

 

Les études nous confirment l’importance du soutien du père dans la mise en place et la poursuite de l’allaitement. En parallèle, depuis quelques décennies, on voit émerger un « nouveau père », bien plus impliqué avec son nouveau-né que ceux des générations précédentes. De plus, le congé de paternité en France vient de s’allonger, peut-être en reconnaissance de cette évolution.

Seulement, voilà, si les anciens modèles paternels sont devenus obsolètes, il manque encore de nouveaux modèles sur lesquels les pères peuvent ancrer la construction de leur paternité (peut-être un peu comme l’allaitement pour la mère : un manque de modèle de femme allaitante dans une culture où le biberon est encore omniprésent). Le père doit souvent trouver ses marques tout seul, car peu d’hommes trouvent un réel soutien émotionnel pour le bouleversement qu’ils traversent en devenant père. De plus, peu d’hommes se renseignent sur l’allaitement en prénatal.

Les connaissances et représentations des pères autour de l’allaitement

Par manque d’information sur l’allaitement en prénatal, les pères n’ont pas l’occasion de confronter leurs idées reçues aux connaissances et pratiques actuelles. Souvent, aussi, leurs références restent l’alimentation au biberon, ce qui n’est pas étonnant face aux publicités omniprésentes laissant croire que le biberon est la norme, ou du moins, à égalité avec l’allaitement. Ainsi, les pères comparent souvent les bébés allaités aux enfants non-allaités. Typiquement, ils pensent que l’allaitement :

  • fatigue la mère
  • abîme les seins
  • empêche la prise d’autonomie du bébé (au-delà de 6 mois)
  • n’est pas possible pour toutes les femmes
  • est difficile en travaillant
  • manque de contrôlabilité (quantités et qualité de lait)[1]

S’il était mieux informé, le père pourrait mieux accompagner et aider sa compagne. Par exemple, l’inquiétude sur la contrôlabilité des quantités bues, « savoir que la quantité de lait bue est reflétée dans le nombre de selles et la quantité de couches mouillées leur (donne) un outil de mesure. »[2]

Le père qui veut donner un biberon

Certains pères considèrent l’allaitement comme si gratifiant dans la relation mère-bébé qu’ils veulent alors participer pleinement en nourrissant leur bébé, eux aussi, avec un biberon. On voit, en conséquence, la conjointe qui, dès la grossesse, envisage un allaitement mixte où elle allaitera une partie du temps et le père donnera un biberon de lait artificiel le reste du temps. Si la mère met en place un allaitement mixte pour inclure le père -alors qu’elle aurait préféré un allaitement exclusif - ceci peut compromettre son projet d’allaitement par manque de stimulation de la lactation.

Autre scénario : le père qui donne un biberon la nuit pour « laisser dormir » la mère.  C’est un geste bien intentionné envers la mère qui, de plus, aide le père à se sentir utile. Cependant, il est fort probable que la mère se réveille de toute façon au moment de la tétée puisque, si l’allaitement se passe bien, les phases de sommeil de la mère sont synchronisées avec celles de son bébé. De plus, elle ne pourra pas vider ses seins si le papa donne un biberon et pour certaines femmes, le fait de manquer une tétée peut les mettre à risque d’engorgement dans les heures qui suivent.

Ce qui est si gratifiant et qui contribue au fort lien mère-bébé dans l’allaitement finalement, c’est le contact physique et répété avec le bébé[3]. Le père peut envier ce lien, mais il peut également avoir ce contact physique avec son bébé, et différemment à travers change, bain, portage, bercements, massages etc. Il n’est pas « une mère bis »[4] et a son propre rôle à jouer, indépendamment du rôle nourricier.

La dualité allaitement/biberon se révèle quand le père se sent frustré par l’allaitement. En conséquence, quand les pères ne trouvent pas leur place avec l’allaitement, il est facile de croire que le biberon est une solution. En réalité, c’est l’allaitement dans une culture du biberon qui peut être frustrant[5].

La sexualité et l’allaitement

Dans le passé, l’Église interdisait les rapports sexuels pendant l’allaitement, ce qui motivait les pères pour organiser la mise en nourrice de leur bébé au plus tôt pour « libérer » leur épouse. Cependant, Église ou pas, les repères sexuels des couples d’avant bébé se voient éclatés et souvent réduits à néant à l’arrivée de ce dernier. Habituellement, pendant les premiers mois post-partum la mère a besoin de « réapprivoiser sa géographie intime »[6] et d’être plus « contenue que pénétrée »[7] d’autant plus que l’allaitement peut induire une sécheresse vaginale due au climat hormonal. Le père, pendant ce temps, peut vivre cette situation comme une « exclusion de sa personne »[8] Pour Ingrid Bayot, si le couple intériorise des pressions normatives de la sexualité (reprise complète et rapide des relations sexuelles avec une obligation de performance), il peut se sentir en échec pendant cette période. 

Le couple a besoin de temps et d’échanges pour construire une nouvelle intimité. En effet, il sera important de

  • nommer et écouter les inquiétudes de chacun par rapport à la sexualité
  • trouver des moments d’intimité quand le bébé dormira

Le rôle du père dans l’allaitement 

Le rôle du père est de protéger la dyade mère-bébé : il filtre les appels et les visiteurs, berce le bébé après la tétée pour que la maman puisse récupérer, nourrit la mère qui nourrit le bébé et pleins d’autres activités encore. Ceci peut nous paraître une évidence mais - comme pour la maman - tout est nouveau. Dans l’idéal, il va construire sa place avec son bébé sans empiéter sur le terrain de la mère. Ainsi, Docteur Alain Benoît, Pédiatre[9], propose que le père se positionne comme le « compagnon de route » de la mère qui allaite.    

 

Références  

[1] Teuma I. L’allaitement, concerne-t-il les hommes ? Le rôle de la consultante en lactation auprès du père ? Mémoire pour l’obtention du diplôme de Consultante en lactation IBCLC. p. 26, Crefam 2009.

[2] Idem. p.33.

[3] https://www.claude-didierjean-jouveau.fr/2017/01/21/lallaitement-exclut-peres/. (Consulté le 24 août 2022)

[4] Bayot I. Le quatrième trimestre de la grossesse. Erès ; 2018. p.213.

[5] Teuma I. Résumé du mémoire Base documentaire du CREFAM. P.5. http://www.crefam.com/memoires.php (Consulté le 25 août 2022)

[6] Bayot I. Le quatrième trimestre de la grossesse. Erès ; 2018. p.230.

[7] Idem. p.231.

[8] Idem. p.232.

[9] Benoît A. Allaiter pour les hommes : un rôle indispensable dans le soutien au lien lacté mère-bébé.   https://www.exbrayat-psychologue.fr/?page_id=1381 (Consulté le 24 août 2022)

© 2023 Margaret Dickason-Clar, Consultante en lactation IBCLC